21 juin 2017
YouTube : nouveau terrain de jeu du journalisme ?
[vc_row][vc_column][vc_row_inner][vc_column_inner][symple_box float=”left” width=”60%”]C’était quoi ? La table-ronde “YouTube : nouveau terrain de jeu du journalisme ?” au 3ème Printemps des Médias
Où et quand ? À Paris, au Numa, le 10 juin 2017
Avec qui ? Julien Goetz (Datagueule), Hugo Travers (HugoDécrypte), Marine Périn (Marinette)[/symple_box][/vc_column_inner][/vc_row_inner][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]
L’audience de Facebook lui fait beaucoup d’ombre, mais Youtube garde une place de choix dans la diffusion des contenus. La plateforme vidéo de Google est le réseau social le plus utilisé pour accéder à l’information après Facebook (étude internationale de Reuters Institute – 2016). Serait-elle devenue un nouveau terrain pour le journalisme ?
Les journalistes ont investi la plateforme, avec des profils très différents, comme l’a montré le panel d’invités de cette-ronde à la 3ème édition du Printemps des Médias :
- Financée par France Télévisions et son département dédié aux Nouvelles Écritures, la petite équipe de Datagueule a réalisé plus de 70 épisodes, diffusés sur la chaîne YouTube du même nom et sur la plateforme IRL de France Télévisions. La série de datajournalisme totalise quelque 300 000 abonnés.
- Du haut de ses 19 ans, Hugo Travers a lancé sa chaîne pour décrypter la politique à travers des formats adaptés à sa génération. Avec près de 150 000 abonnés au compteur, l’étudiant en 2ème année à Sciences Po a été repéré par LCI qui lui donne la parole chaque dimanche dans une chronique politique depuis février dernier.
- La journaliste Marine Perrin a elle aussi investi la plateforme pour parler d’un sujet qui lui tient à coeur : le droit des femmes. Si sa chaîne engagée ne lui permet pas de vivre aujourd’hui de ses vidéos, la féministe semble en tirer pleinement satisfaction.
Les commentaires comme porte d’entrée sur sa communauté
Pour Julien Goetz, co-réalisateur de la série Datagueule, la diffusion sur YouTube relève d’un choix logique d’acquisition d’audience. Pour autant, pas de stratégie de communauté en tant que telle pour la série : “On n’est pas des spécialistes et c’est très bien comme ça. Philosophiquement, on n’a pas envie de l’être.”
Avec son épisode sur les théories du complot, l’équipe reconnaît avoir perdu du temps à lire les commentaires et à y répondre. La plupart du temps, elle intervient très peu dans la discussion pour éviter de “vampiriser le débat”. “On partage des questionnements, on laisse les gens s’en saisir et on s’imprègne de la discussion.”
Benjamin Hoguet, auteur et concepteur d’oeuvres interactives, a étudié les mécaniques d’engagement du public avec la série Datagueule et déclarait lors d’une conférence sur les nouvelles écritures organisée par le cluster : “Les gens reconnaissent spontanément la valeur éditoriale de l’oeuvre et quand ils commentent dans YouTube, c’est pour réfléchir à ce qui vient de se passer.”
La série Datagueule, qui s’inscrit dans une logique de production assez traditionnelle tout en conservant une certaine indépendance éditoriale, déclare ne pas prêter trop d’attention aux compteurs pour se focaliser sur le sujet et la manière de le traiter.
En tant qu’ancienne journaliste télé, Marine Périn a ressenti la prétendue défiance de l’audience envers les médias traditionnels et salue le rapport plus apaisé qu’elle entretient avec sa communauté sur sa chaîne : “Sur YouTube, certaines personnes proposent de l’aide pour soutenir l’auteur ou partager ses vidéos. Quand on est journaliste, c’est pas tout à faire le même rapport avec les lecteurs.”
Si Marine Périn ne cherche pas à gagner sa vie avec sa chaîne YouTube, celle-ci lui confère néanmoins de la légitimité dans les sujets qu’elle traite en tant que journaliste.
Hugo Travers de son côté, prend en compte les commentaires lorsqu’ils sont constructifs et s’inscrit davantage dans une logique d’interaction avec sa communauté sur Twitter et Snapchat, en vue d’obtenir un feedback permanent sur ses contenus et de sonder les différentes suggestions de vidéos que peut lui faire sa communauté.
Et les trolls dans tout ça ? Pour le jeune étudiant, qui se déclare non partisan, l’impact est minime. Concernant Datagueule, la part des commentaires de trolls se situent bien en-dessous de la barre des 5%. Selon le co-réalisateur de la série, la présence des trolls “est le propre de la discussion sur une place publique, qu’elle soit réelle ou virtuelle.”
Indépendance éditoriale et modèle économique
Hugo Travers a investi la plateforme de crowdfunding Tipeee pour financer des projets mais les dons représentent aujourd’hui moins de 1000 euros. Le modèle économique ne peut pas reposer non plus uniquement sur la monétisation des vidéos : “Beaucoup de Youtubers ne gagnent plus rien sur YouTube : on assiste à un effondrement de la monétisation des vidéos.”
Selon Julien Goetz, la chute des revenus publicitaires provoquée par un simple changement d’algorithme de YouTube démontre à elle-seule le pouvoir contestable de la plateforme. “On utilise YouTube comme un outil. C’est un lieu de passage obligatoire, malheureusement. De base c’est contraire aux fondements d’internet qui ne voulait pas de centralité. Or YouTube est une centralité.”
Pour l’équipe, les relations avec la plateforme sont purement techniques : “on travaille sur la construction d’une communauté de choix et pas d’une communauté rémunérée.”
Le YouTuber Hugo Travers passe des partenariats avec les médias
Même son de cloche du côté d’Hugo Travers, pour qui cette course à l’audience en vue de monétiser ses vidéos n’incite pas à produire des contenus plus longs ou plus construits.
Pour vivre de ses vidéos, le YouTuber passe des partenariats avec des médias comme c’est le cas avec LCI qui diffuse ses contenus tels quels à l’antenne, sans changer le format ou toucher à sa « déontologie ». Depuis le 1er Mars, Hugo Travers anime une série vidéo en partenariat avec le magazine « Le Monde des ados ».
Datagueule mise sur les longs formats soutenus par sa communauté
La période des élections présidentielles a logiquement favorisé ce genre de partenariats mais concernant LCI, “ce n’était pas du one shot : le partenariat se prolonge aujourd’hui.”
Soutenu depuis 3 ans par France Télévisions et donc par les deniers publics, la série Datagueule fait figure d’exception. L’équipe a un nouveau projet dans les tuyaux : un webdoc sur la démocratie, soutenu par plus de 7000 personnes via une plateforme de crowdfunding.
« La démocratie n’est pas un rendez-vous » est un projet ambitieux dans la mesure où il se veut financé uniquement par les citoyens et diffusé librement en Creative Commons sur YouTube, dans l’indépendance éditoriale la plus totale. “La seule dépendance que l’on a, c’est à cette communauté là vis-à-vis de la ligne éditoriale que l’on doit tenir.”
L’idée du documentaire est de parler de la démocratie autrement, hors des urnes, en donnant la parole non pas aux politiques mais aux chercheurs et aux citoyens eux-mêmes, à travers 90 minutes de documentaire entrecoupé de motion design courts, de reportages, ou d’interviews enrichies en davisualisations.
L’équipe avait déjà produit un documentaire de ce type sur la COP 21, diffusé par France 4. En s’engageant sur la diffusion de ce long format intitulé “2 degrés avant la fin du monde“, la chaîne donnait accès à des financements supplémentaires.
Avec plus de 700 000 vues, ce documentaire de 82 minutes est la troisième vidéo la plus vue de la chaîne et semble faire émerger de nombreux questionnements puisqu’elle cumule plus de 1000 commentaires.
Pour leur nouveau projet, le soutien du département Nouvelles Écritures ne permettait pas à lui seul de produire un long format de 90 min. L’équipe a ainsi réussi à lever 240 000 euros, soit 20 000 euros de plus que l’objectif à atteindre.
“On a pu faire ce crowdfunding parce que ça fait 3 ans qu’on fait ce programme, qu’on démontre notre savoir-faire et qu’on construit un lien avec la communauté. Il ne suffit pas juste de lancer une campagne de crowdfunding” observe Julien Goetz.
Pas de diffusion à l’antenne donc, pour ce documentaire, financé et co-produit par la communauté qui accède à des contreparties l’impliquant tout au long du projet, à travers des contributions éditoriales, des invitations à des avant-premières ou encore, le partage des carnets de production de l’équipe.
Avec ces longs formats, l’équipe de Datagueule entend dépasser le simple constat chiffré pour ouvrir d’autres horizons de réflexion. Les 240 000 euros permettront de financer une équipe d’une quinzaine de personnes pendant 4 à 6 mois.
À lire aussi dans “Chantiers numériques”, la veille collaborative du cluster :
- Les Nouvelles Écritures selon Benjamin Hoguet (2016) et pour aller plus loin : Les mécaniques de l’engagement du public avec Datagueule (Benjamin Hoguet)
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