27 juin 2016
La vie secrète des algorithmes
Dominique Cardon, sociologue et auteur du récent ouvrage “À quoi rêvent les algorithmes – Nos vies à l’heure des big data” nous a donné quelques clés pour comprendre et cerner les logiques des différents types d’algorithmes, de manière à redonner le pouvoir aux internautes dans cette société des calculs.
« Avant, dans l’espace public traditionnel, ceux qui filtraient l’information étaient les journalistes. Les nouveaux gatekeepers sont des artefacts, des metrics qui trient, filtrent et analysent le web. »
L’objet du débat n’est pas d’opposer les hommes aux machines mais bien de savoir quels sont les bons couplages. Un algorithme est le choix d’une technique de représentation du monde dans lequel on circule.
Dominique Cardon distingue 4 grandes familles d’algorithmes qui ne calculent pas la même chose : la popularité, l’autorité, la réputation et la prédictivité.
Les algorithmes basés sur la popularité utilisent la technique de calcul des médias traditionnels (chiffres d’audience, nombre de pages vues…) : on hiérarchise et on classe les sites en considérant que les visiteurs uniques ont le même poids.
La famille de calculs qui a joué un rôle plus riche dans l’histoire du numérique est celle de l’autorité des informations, en fonction de la place occupée dans un moteur de recherche, à l’image du PageRank de Google, qui propose une vision plus méritocratique dans laquelle tous les sites webs ne se valent pas. En intégrant un lien hypertexte (un lien de citation et donc, en quelque sorte, un vote), on manifeste une forme de reconnaissance (que l’on dise du bien ou du mal a peu d’importance). Mais les acteurs qui s’échangent de la reconnaissance n’agissent pas toujours de manière naturelle et pensent au calculateur de Google.
« Si les gens agissent en pensant au calculateur, ils n’agissent plus naturellement »
Le monde de la réputation, développé avec les réseaux sociaux, donne aux internautes des compteurs pour valoriser la réputation des personnes ou des produits. On ne peut pas faire de calculs prédictifs avec cette famille d’algorithmes car on observe un décalage entre ce que les gens disent et ce qu’ils font vraiment.
« Liker une page est une manière de sculpter la représentation que l’on a de soi, l’identité que l’on cherche à promouvoir. »
“La mesure permet de mettre en compétition des individus autour des métriques qu’ils ont produites” @Karmacoma #Microw2d #Web2Day
— Web2day (@web2day) 17 juin 2016
Enfin, les mesures prédictives proposent une information personnalisée en calculant les traces de navigation pour prédire un comportement. L’utilisateur est alors responsable de la bulle et la régularité dans laquelle il s’enferme et des prescriptions qui lui sont faites.
« Les gens du Big Data pensent qu’il faut observer les conduites, les comportements, rechercher des traces d’actions et non pas des représentations subjectives. »
“La prédiction de l’avenir est en réalité un calcul du passé” @Karmacoma #Microw2d #Web2Day
— Web2day (@web2day) 17 juin 2016
Ouvrir la boîte noire des algorithmes permet une prise de conscience des différentes visions du monde qu’ils nous imposent. Prendre le recul critique nécessaire sur nos données et la manière dont nous sommes calculés permet de décoder les algorithmes et peut-être même de les contourner.
A lire également sur ce sujet :
- Les compte-rendus du séminaire Journalisme et bien commun à l’heure des algorithmes, animé au Collèges de Bernardins par Eric Scherer et Gemma Serrano.
- Les algorithmes sont-ils vraiment tout-puissants ? (Télérama)
- L’étude “Les médias à l’heure de la recommandation d’info personnalisée” réalisée en 2015 par Ouest Médialab en partenariat avec SciencesCom
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