15 octobre 2015
Guardian Witness : quand le lecteur devient acteur
par Estelle Prusker-Deneuville (SciencesCom)
Jon Henley, journaliste au quotidien britannique The Guardian et connu pour ses « tweet trips » et enquêtes menées à l’aide d’une participation active du public, était l’invité de la 6ème Conférence Nationale des Métiers du Journalisme qui s’est déroulée à Paris début octobre. Ses propos ont montré à quel point The Guardian développe aujourd’hui une stratégie active d’engagement du public dans la production des contenus du quotidien et les perspectives que ces nouvelles formes de production journalistiques offrent aux médias, qu’ils soient locaux ou nationaux. Selon Jon Henley, à la rédaction de The Guardian le public est appelé « public anciennement lecteur », à savoir que celui-ci est désormais à la fois contributeur et distributeur de l’information, en plus d’être lecteur. Depuis quelques années, le quotidien a ainsi multiplié les initiatives permettant aux lecteurs de s’exprimer et de s’impliquer dans la vie du média.
Le journal voit plusieurs avantages à cette nouvelle forme de journalisme que Jon Henley qualifie de « journalisme ouvert ». Tout d’abord, une amélioration du journalisme en général car cette nouvelle démarche permet de faciliter le contact avec les experts, observe Jon Henley. Par ailleurs, cela rend le média plus transparent et plus responsable à l’égard de ses lecteurs dans la mesure où il est désormais plus facile d’expliquer une enquête ou ses choix éditoriaux. Enfin, cette nouvelle forme de journalisme permet également de favoriser les scoops et informations exclusives via la remontée par le public de documents, vidéos… et le lancement d’appels aux citoyens.
Au sein du Guardian, une équipe de 20 personnes divisée en 4 équipes distinctes anime et dynamise les communautés : une équipe de modérateurs, une équipe spécialisée dans l’optimisation des moteurs de recherche, 3-4 personnes pour la gestion Facebook + Twitter et une équipe dédiée au programme « Guardian Witness ». Cette dernière est intégrée dans les différents desks pour travailler activement avec le public et la rédaction.
Actuellement dans sa version beta sur le site, The Guardian Witness est une plateforme très complète de recueil des contenus et contributions du public avec de multiples entrées dynamisant l’engagement :
- Une première série de sujets « highlights » aux thématiques ludiques et pratiques : partage de recettes, de bon plan voyages, de photos ,…
- Un 2ème niveau dédié à l’actualité avec des appels à contribution régulièrement lancés en fonction des sujets traités : demande de témoignages, questionnements sur sujet d’actualité, sondage,…
- Un 3ème niveau de contribution libre : proposition d’idées de sujets (“send us a story”).
Afin de faciliter encore plus le contact avec ce public contributeur, une application pour smartphone pour le programme Guardian Witness est actuellement en construction avec un acteur de la téléphonie. Jon Henley souligne notamment que 70% des visites sur le site du Guardian ont été effectuées via supports mobiles le mois dernier. La dynamique d’engagement du public n’est donc pas prête de s’arrêter au Guardian, générant pour les journalistes une nouvelle matière dense et riche, qu’ils doivent recueillir, analyser et orchestrer. « J’ai parfois l’impression d’être comme un rockeur qui se jette dans la fosse et se laisse porter par la foule » conclut Jon Henley.
À lire aussi dans chantiers numériques #15, la veille collaborative du cluster :
1 retour d’expérience (réservé aux adhérents du cluster) :
– Licence pro “Community Management” à l’Université de Nantes : quel bilan ? (Réservé aux adhérents)
2 autres articles à partager (en libre accès) :
– Blendle, un nouveau modèle de revenus pour les médias ? (par Estelle Prusker-Deneuville)
– Coproduction de l’info : les cas de The Pixel Hunt et WeDoData (par Mathilde Hégron)