Retour aux actualités

8 décembre 2020

Entretien avec Aurélie Rousseau, nouvelle Présidente de Ouest Médialab

Aurélie Rousseau dirige depuis 2015 la chaîne de télévision locale bretonne TVR. Elle a été élue Présidente de Ouest Médialab lors de notre Assemblée générale annuelle le 26 novembre dernier.  C'est la première femme à occuper ce poste. Elle succède à Michel Barthen, directeur de France 3 Pays de la Loire, et Jeanpierre Guédon, Professeur à Polytech Nantes et co-fondateur de l'association. Quel est son parcours, sa vision de l'info de proximité, ses projets pour Ouest Médialab ? Entretien.

Pouvez-vous nous présenter brièvement TVR,  le média que vous dirigez ?

TVR est une télévision locale implantée à Rennes créée il y a 33 ans. Nos programmes sont diffusés sur le département de l’Ille-et-Vilaine. Nous avons le statut d’entreprise d’économie mixte. La ville de Rennes, Rennes Métropole et le département sont actionnaires, ainsi que Ouest-France, Le Télégramme et la CCI. Notre équipe compte  22 personnes, dont 10 journalistes.  Nous produisons 2h de programmes frais par jour, dont 30 minutes de JT et 30 minutes de magazines locaux thématiques. Nous produisons aussi des œuvres portées par des producteurs audiovisuels locaux (fictions, documentaires, films d’animation ou programmes culturels), en soutien avec la Région Bretagne.  Le budget annuel de la chaîne s’élève à 3 millions d’euros, composé de 60% en financement public et de 40% de recettes commerciales (parrainages, brand content, couverture d’événements).”

Quel a été votre parcours dans les médias ? Qu'est-ce qui vous a conduit à rejoindre une télévision locale ?

“J’ai 41 ans et je travaille à la télévision depuis 20 ans. J’ai fait mes études à l’Université de Rennes 2 (en communication) et commencé ma carrière au groupe M6 puis dans différentes sociétés de production audiovisuelles parisiennes sur des programmes de divertissement.  Après quelques années, j’ai souhaité revenir à Rennes et reprendre des études pour obtenir un DESS en marketing. J’ai alors eu la chance de collaborer sur un projet innovant de l’Opéra de Rennes, en extérieur et multidiffusé, associant plusieurs partenaires audiovisuels et technologiques.  C’est à cette occasion que j’ai fait la rencontre de Dominique Hannedouche, alors directeur de TV Rennes, qui m’a proposé de rejoindre son équipe pour développer les collaborations avec les autres chaînes de télévisions locales et régionales bretonnes, ce qui a donné naissance à la première unité de programmes collaboratifs en France, un modèle repris depuis dans d’autres régions. J’ai occupé ensuite le poste de directrice d’Antenne, puis ai été nommée directrice générale de la chaîne en 2015, suite au décès de Dominique Hannedouche.”

Pourquoi avoir accepté d'être Présidente de Ouest Médialab ? Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur pour l’association ?

“TVR est adhérente de l'association de longue date. On a d’abord sollicité Ouest Médialab  pour former notre rédaction au numérique, puis nous sommes venus partager nos expériences à l’occasion d’événements comme le Médialab SpeedTraining ou le Festival de l’info locale. L’association est un lieu indispensable d’échanges entre professionnels de l'information et de la communication, un espace de réflexion qui n’existait pas et a aujourd’hui pour nous une vraie valeur ajoutée en répondant notamment à nos besoins de veille et de prospective pour mieux appréhender l’évolution du secteur. Parmi les projets que je veux porter avec les membres du conseil d'administration et Julien Kostrèche , j’ai envie d'élargir et d’étoffer l’offre de formation de Ouest Médialab. En plus des sujets technos, sur lesquels nous nous sommes fait une spécialité, j’aimerais que l’on aborde  les questions de stratégie, de sens ou d’éthique. Bien sûr, je souhaite que nous continuions à développer le Festival de l’info locale qui est en train de devenir, après deux éditions seulement, une référence pour les acteurs du secteur et une vitrine aussi des médias de proximité. En 2021, il n'est plus possible de penser  que Paris est le centre du monde et de l’information en France.  Enfin, avec l’implication de tous les adhérents, que je sens contents de faire partie de Ouest Médialab, je voudrais que nous développions les moments de rencontres et l’animation du réseau. Les webinaires organisés au printemps dernier pour créer du lien et aider les médias à surmonter le confinement et la crise, ont par exemple suscité beaucoup d'intérêt.”

On assiste aujourd'hui à un fort regain d'intérêt pour le local et la proximité. Comment l'expliquez-vous ?

“Je pense que c’est une conjonction de plusieurs phénomènes sociétaux. Avec l’hyper mondialisation et la profusion de l’information - ou l’infobésité - les gens ont besoin de repères. Par ailleurs, il y a une défiance qui s’est malheureusement développée envers les médias, notamment les médias nationaux, et que des chaînes d’infos comme CNews ou BFM cultivent. Les médias proches de leur audience bénéficient d’une confiance de plus en plus forte.  Cela va de pair aussi avec la consommation locale et la dynamique d'éco-responsabilité. On s’intéresse davantage à ce qui se passe près de chez soi. C’est rassurant quand ceux qui nous parlent vivent le même quotidien que nous. L’avenir est au local et à la conjugaison des plaques locales pour faire un tout. Cela touche évidemment l’information et accroît la valeur des contenus des médias de proximité, auprès du public comme des annonceurs.”   

Comment voyez-vous l'évolution des médias de proximité dans les prochaines années ?

“Il y aura je pense de plus en plus de collaborations entre médias, c’est un passage obligé à l'ère du numérique et de la convergence. Il y a une place pour tous les supports, mais, pour répondre à l’évolution des usages, les médias ont tout intérêt à s’allier, tout gardant leur indépendance éditoriale, afin d’optimiser leurs coûts et gagner en visibilité. Je crois à la capacité des acteurs médiatiques locaux à travailler ensemble. Trouver un modèle économique pérenne restera difficile. Pour autant les ressources commerciales vont augmenter avec l'intérêt que le public nous porte et l’adhésion aux valeurs que l’on défend, comme apporter une information constructive et des solutions pour nos territoires.”