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22 avril 2016

Facebook Instant Articles : premiers retours des éditeurs

Le 12 avril 2016, Facebook annonçait lors de sa grande messe annuelle à destination des développeurs, la F8 conference, l’ouverture officielle de sa plateforme Instant Articles à tous les éditeurs. Certains d’entre-eux l’ont déjà testé. Alors, heureux ?

Les motifs de participation à la version bêta d’Instant Articles sont multiples : simple curiosité industrielle pour L’Express, comparaison des métriques avant et après recours à ce format pour Libération mais surtout accès à l’audience jeune et massive du réseau social pour bon nombre d’éditeurs (20 minutes, les Echos, The Economist ou encore BillyPenn.com).

Parmi les éditeurs locaux intéressés, The Texas Tribune y voit une réelle opportunité pour les éditeurs en quête de croissance qui souhaitent construire leur marque. Selon le pure player texan, devenu un véritable cas d’école du journalisme indépendant, les éditeurs locaux manquent souvent de ressources en interne pour optimiser leur site mobile et passent à côté d’une partie de leur cible.  

The Trinity Mirror, premier groupe d’information régionale au Royaume-Uni, rappelle que sur mobile l’engagement et la monétisation sont le lot commun de tous les éditeurs. Instant Articles est un outil parmi d’autres qui permet d’accompagner ces deux défis majeurs.

Une expérience de lecture optimisée

Rappelons-le, la prouesse technique d’Instant Articles est la consultation optimisée de l’article directement encapsulé dans Facebook, avec une vitesse de téléchargement supposée 10 fois supérieure à la moyenne.

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Les éditeurs témoignent à l’unisson : le taux de consultation des articles sur mobile augmente tandis que le taux d’abandon s’affaiblit.

« La page se charge plus vite : 1 à 2 secondes contre 10 à 15 secondes sur le site du Parisien. Mécaniquement, on fait plus de vues, c’est mieux que sur le site mobile car la plupart des visiteurs lisent l’intégralité de l’article » déclarait en décembre 2015 Guillaume Bournizien, directeur marketing digital pour “Le Parisien” lors d’une journée de conférence organisée à SciencesPo.

Le temps passé sur les contenus de Libération, qui publie l’intégralité de ses articles en format Instant Articles, soit 150 par jour, aurait décollé de 33% (chiffres Facebook). « Un lecteur arrivé sur notre site mobile depuis Facebook passait environ 3’30 minutes sur un article. Avec Instant Articles, le temps passé sur l’article est passé à 4’40 minutes », commente Xavier Grangier dans son billet sur LinkedIn.

La consommation de l’article semble donc être optimisée, mais qu’en est-il des autres indicateurs ?

Côté trafic

Un manque à gagner en termes de trafic sur le site mobile ?

Instant Articles est disponible uniquement via l’appli Facebook, ce qui signifie que le trafic pris en compte ne concerne que celui du site mobile. La part des visiteurs du site mobile qui venaient par le biais de Facebook restera donc désormais sur le réseau social.

Premier bilan pour Libération deux mois après le lancement du chantier : le site mobile reste le plus gros générateur du trafic mobile (60% sur le site contre 40% sur Instant Articles).

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Chez Gawker, un groupe média américain, le nombre de visiteurs uniques du site a augmenté de 15%, les visites de 31% et le nombre de pages vues de 48%.

Une audience boostée sur Facebook ?

Sur Facebook, le nombre de fans de la page de Libération a augmenté de 10% : un sursaut par rapport à la tendance habituelle, selon son directeur digital. La portée des publications a quant à elle décollé depuis le recours aux Instant Articles et l’engagement des lecteurs semble supérieur.

Outre-Atlantique, même son de cloche au Washinghton Post et chez Slate. Ce dernier poste 70 % de son contenu en format Instant Articles et le nombre de visites sur la page Facebook a fait un bond de 25 %.

Constat plus nuancé pour Le Parisien qui en décembre 2015 ne cachait pas sa déception : « On espérait que Facebook pousse un peu cette fonctionnalité là. Ce n’est pas non plus très visible, on voit un petit éclair sur les images mais ça n’incite pas les gens à cliquer. »

Côté données

Un accès limité aux données pour les éditeurs ?  

Au coeur de la tourmente, la question des données provoque chez certains une réaction pour le moins épidermique. Facebook fournit seulement 3 indicateurs à l’éditeur : le nombre de total de vues, le temps passé sur l’article et l’action de scroll du lecteur.

Les éditeurs n’ont donc pas accès à d’autres données plus personnelles comme les informations sur le profil du lecteur mais peuvent tenter de pallier à ce manque en utilisant les tags additionnels de leur DMP (Data Managment Platform) pour suivre leur audience et gérer leurs affichages publicitaires.

Quid de l’attribution de l’audience ?

La perte de l’audience dans l’enjeu de plateformisation des médias est de taille et donne du grain à moudre aux instituts de mesure d’audience, qui ne prennent pas toujours en compte le trafic d’un site effectué dans un environnement extérieur, dont il n’est pas directement propriétaire, comme c’est le cas avec Instant Articles.

Un frein pour les éditeurs, que Facebook tente de lever en plaidant pour l’attribution de l’audience des Instant Articles aux éditeurs. Une proposition pour le moment rejetée par le comité Internet de Médiamétrie.

Côté publicité

Facebook Audience Network, une régie publicitaire compétitive ?

Autre terrain miné pour Facebook : celui de la publicité. L’éditeur a pourtant le choix : il peut commercialiser lui-même ses espaces publicitaires (et empocher la totalité des revenus) ou monétiser le stock invendu avec des publicités de Facebook Audience Network, qui se réserve dans ce cas 30% de commission sur les revenus générés. 

Le Parisien a souhaité garder le contrôle sur sa publicité, en poursuivant avec sa propre régie. Libé a de son côté délégué la tâche à Facebook :

« En terme de display, Instant Articles est compétitif par rapport à notre site mobile (…). La seule source de revenu manquante, ce sont les liens sponsorisés » confie Xavier Grangier, directeur du pôle digital du journal, dans son billet sur LinkedIn.

Live

Billypenn.com, une start up d’info mobile-first à Philadelphia, a été le premier éditeur local indépendant à expérimenter Instant Articles. Selon son fondateur, externaliser la commercialisation publicitaire est un atout de taille pour des petites équipes.

Un usage restreint de la publicité mais amené à évoluer

Instant Article impose un format unique de publicité : une bannière statique de 320×250 tous les 350 mots avec un CPM (Coût Pour Mille) de 1,80$.

Pour le moment, un éditeur adepte de la publicité programmatique semble plus avantagé que celui dépendant essentiellement d’un modèle de native advertising.

« Avec 60% de nos revenus digitaux issus du contenu sponsorisé, c’est important pour nous d’avoir la possibilité de publier et promouvoir nos contenus dans les mêmes conditions avec le format Instant Articles » déclare The Atlantic.

Mais, source de consolation pour les éditeurs, Facebook a pris en compte les premiers retours d’expériences et fait évoluer son offre avec une nouvelle charte pour le brand content et l’intégration de publicités vidéo au sein des Instant Articles

Côté technique

Avec un CMS flexible, conforme aux standards exigés par Facebook et un support technique efficace du côté du réseau social, Libération était sur les rails en moins de 10 jours et le lancement du nouveau format n’a pas impacté le travail de l’équipe éditoriale.

Pour Chris Krewson, éditeur chez Billypenn.com, il est plus facile d’expérimenter ce genre d’outils dans de petites rédactions comme la sienne. Si l’utilisation de cette plateforme a changé (en bien) l’organisation du travail, l’investissement est cependant significatif : l’équipe a passé 6 semaines au total pour mettre en place le format Instant Articles.

La startup avait les ressources en interne (un chef de produit et un développeur). « Les sites avec peu ou pas de développeurs techniques pourrait rencontrer plus de difficultés », explique Jim Brady (CEO), qui pense néanmoins que Facebook fera peut-être évoluer le process pour encourager l’adhésion au format.

Le réseau social a passé de nombreux partenariats, notamment avec des CMS (content management system), pour mettre au point des outils facilitant la publication, comme le plug-in WordPress, disponible sur Github et qui génère automatiquement les versions Instant Articles à partir d’un blog. 

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Instant Articles est donc officiellement ouvert à tous mais le process reste fastidieux. Facebook a sorti un guide pratique qui se décline en 11 étapes et implique la génération de 50 articles en format Instant Articles, paramétrés dans des conditions réelles, le tout sous réserve d’une validation du réseau social, qui semble parfois s’éterniser.  

C’est donc un bilan en semi-teinte que nous dressent les premiers éditeurs, d’autant plus que Google n’est pas en reste avec sa plateforme AMP. La firme de Mountain View a renchérit avec sa propre initiative open-source, basée sur le même principe que les Instant Articles et qui promet une bonne place dans Google News

AMP google

 

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