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9 janvier 2014

De la place de l’humain et des médias dans la révolution numérique

jpg Jeanpierre Guédon, Président de Ouest Médialab Michel Serres (1) écrivait en 2012 que Petite Poucette – c'est ainsi qu'il surnomme la jeune génération - n'a plus rien de commun dans ses neurones avec celle de ses aïeux (école, travail à la campagne, guerre). Tout a changé pour elle avec les nouvelles technologies ; tout change pour chacun chaque jour et nous devons réinventer l'école, le travail, la société. Nous expérimentons ces changements dans nos vies de Petit Poucet & Petite Poucette au quotidien. Il y a peu j'entendais un responsable d'un Pôle de Compétitivité dire « la révolution industrielle numérique n'existe pas  : une révolution change le monde dans la production de son énergie (entendez le feu, le charbon, l'électricité, le pétrole, etc.) ». Le numérique n'a rien changé de la production d'énergie. D'autres experts nous indiquent que la révolution numérique a bien eu lieu, mais qu'elle est déjà terminée. Bon, alors quoi ? Ca n'existe pas ? On est en plein dedans ? C'est déjà fini ? Qu'importent les « classements» ! Changement, évolution, révolution : on verra bien. Ce qui est certain, c'est que le « Numérique » a remplacé l'électronique puis l'informatique. On en serait même à « l'intelligence numérique » selon Milad Doueihi qui visitait Nantes récemment pour la cérémonie annuelle des docteurs. Pablo Picasso disait « les ordinateurs sont inutiles car ils ne savent que donner des réponses ». (je n'ai pas cité la référence : c'était dans un mail de pub qui a fini à la poubelle). Ça, c'était du bon vieux temps de l'informatique ! A l'époque où ces gros ordinateurs faisaient seulement des gros calculs. On aurait peut être dû se méfier en 1962 quand le Robert a inventé le mot « informatique : science de l'information ». En général, une Science, c'est pas ­de la petite bibine. Mais bon, à cette époque-là, pour Monsieur tout le monde, l'information c'était uniquement des journaux papiers qui se vendaient en millions d'exemplaires, quelques radios pas encore libres et une seule chaîne de télévision... Depuis, science informatique et industrie informatique se mélangent. Mais le coeur de cette science ne comprend pas les humains… On pourrait même voir l'informatique comme une science qui va vers un avenir déjà écrit sans l'humain : des ordinateurs qui feront (font déjà) des programmes sans informaticien. Le fameux Test de Turing (pour savoir si derrière le rideau on a un humain ou une machine avec qui on interagit) commence à devenir une réalité (l'intelligence artificielle fait des progrès). Maintenant, les ordinateurs sont là, autour de vous, à vous chercher un truc sur Internet (ou dans votre poubelle…), vous gérer votre emploi du temps, vous écrire un courrier, vous faire lire ce que vos « amis » ont « posté » dans « votre réseau social ». Maintenant, ils sont aussi là, à votre place, à réaliser un travail pour lequel vous n'étiez – sans vous en rendre compte - qu'un intermédiaire. Avec le Big Data, nous aurons bientôt des machines qui croiseront des « informations » qui ont pour but de parler de la vie des humains. Elles vont produire bientôt des nouvelles « informations » qui ne seront plus du domaine de l'humain. Alors retournons à la définition du grand Robert ! Si l'ordinateur traite de l'information alors il est un acteur central de Ouest Médialab. C'est sur le numérique qu'il faut s'appuyer pour aider la transition décrite par Michel Serres. Le nouveau marketing SoLoMo offre par exemple des perspectives de valorisation inédites à «  l'information ». Le « scoop » peut aussi aujourd'hui être une information issue du datajournalisme, c'est à dire produite par un ordinateur mais pensée par un spécialiste. Le « Numérique » est bien une culture de notre temps. Cela étend largement le champ d'action de l'électronique ou de l'informatique car cela fait entrer l'humain dans la boucle. Certains intellectuels ou informaticiens intégristes (eh oui, il y en a, même à Nantes !) ne veulent pas entendre parler de cette mainmise de l'humain dans la construction artistique de cette science. Mais nous n'avons plus le choix. En fait, c'est l'inverse : si l'humain ne rentre pas dans cette boucle, alors où ira-t-il ? Jeanpierre Guédon Professeur à Polytech -Université de Nantes Président de Ouest Médialab

  1. Michel Serres : Petite poussette. Editions le Pommier 2012
Merci à Philippe Roux, Julien Kostreche et Francky Trichet pour les liens.