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27 février 2017

Avec JQuest collecter des données devient un jeu d’étudiants

Anne-Lise Bouyer est chef de projet à Journalism++, une agence de datajournalisme qu’elle a cofondée avec Nicolas Kaiser-Bril et Pierre Romera et dont le dernier projet européen s'appelle JQuest, une plateforme d’enquête collaborative à partir des données qui tourne depuis 6 mois et regroupe déjà plus de 300 étudiants en journalisme.

Qui dit datajournalisme dit collaboratif En préambule de son intervention à Obsweb, Anne-Lise Bouyer a proposé une définition du datajournalisme :  « il s’agit d’un journalisme qui exploite des données structurées, c’est-à-dire des données qui peuvent être comprises par un ordinateur » et se présentent généralement sous la forme d’un tableau. Le datajournalisme, c’est aussi un processus qui consiste, dans l’ordre, à collecter, analyser, nettoyer puis visualiser les données et qui nécessite de multiples compétences (journaliste, designer, informaticien). Le travail collaboratif prend une autre dimension lorsqu’il s’agit de coopérer entre journalistes pour analyser un grand volume de données, comme ce fut par exemple le cas sur les Panama Papers, un chantier colossal qui aurait nécessité 26 années de travail s’il avait dû être mené par une seule et même rédaction. Learning by doing De son côté, Journalism++ a eu l’occasion d’expérimenter un premier projet collaboratif de datajournalisme avec The Migrants' Files qui a nécessité une coopération de plusieurs acteurs pour collecter les données sur les migrants qui ont trouvé la mort en tentant de rejoindre l’Europe. Du constat qu’il manquait des outils pour favoriser ce type de coopération est né JQuest. Extrait du projet The Migrants' Files, lauréat de l’European Press Prize en 2015 et du Datajournalism Award en 2014.   Il s’agit d’abord d’une plateforme collaborative de collecte des données ouverte à tous les étudiants qui veulent participer à des enquêtes journalistiques. Pour l’instant c’est l’équipe de d’Anne-Lise Bouyer qui est à l’initiative des sujets proposés. Une première enquête a été menée sur la représentativité des élus en Europe, au niveau national, régional ou local. Elle a permis de collecter des données sur l’âge, le genre, le lieu de naissance, le métier ou l’étiquette politique des élus, en particulier à l’échelon local où les données faisaient souvent défaut sur les portails open data. La mécanique de collecte proposée par Jquest est celle d’un jeu auquel chacun est invité à contribuer, misant sur l’apprentissage par la pratique. Au fil de la collecte, les étudiants comprennent comment comparer des données d’un pays à l’autre, comment mesurer l’évolution d’une année à l’autre, comment classifier les élus en fonction du métiers qu’ils exercent ou du parti auquel ils appartiennent, etc. Premiers retours après 6 mois d’utilisation Six mois après son lancement, JQuest réunit 300 étudiants contributeurs, issus de 14 écoles réparties dans 9 pays européens. Les profils de 23 00 élus ont été entrés dans la base. Cela représente quelques 713 heures de travail cumulées. Il existe Slack où l’on peut partager des liens ou des expériences, échanger des contacts, etc, et une série de cours avec des tutos à jour sur les outils du datajournalisme sont mis à disposition des étudiants qui participent. L’enquête a donné lieu à des articles dans L’Express ("FN et extrême droite, des partis comme les autres : la preuve par les données") et StreetVox ("On a mesuré la diversité des élus en Europe et la France est au fond du classement"), d’autres ont été rédigés par les étudiants de l’Université de Neuchâtel et repris par le journal Le Matin. Des débuts jugés très encourageants par Anne-Lise Bouyer et son équipe qui entrevoient déjà quelques évolutions sur la plateforme pour inciter non seulement les étudiants à collecter des données mais aussi à les analyser et les réutiliser, ce que beaucoup n’osent pas faire de peur de ne pas maîtriser les bases de la statistique. Journalism++ veut également renforcer le travail collaboratif transfrontalier (le prochain sujet d’enquête s’y prêtera) et enrichir la plateforme d’un tableau de bord qui permettent aux profs de mieux suivre et accompagner leur étudiants.