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14 décembre 2016

La presse locale face au défi de la communication territoriale

Ces dernières années, le rapport de force entre presse locale et communication territoriale s'est inversé, rendant les frontières entre information et communication de plus en plus floues. Mais des pure-players locaux, invités à la 7ème journée de la presse en ligne, entendent jouer les trouble-fête.

Une étude réalisée par Cap Com montre que 77% des personnes lisent la presse municipale (accessible directement dans la boîte aux lettres) et 43% y recherchent de l'information sur la politique et les grands projets urbains. C'est dire l'enjeu que représente la montée en puissance de la presse institutionnelle pour la démocratie locale. Christophe Grébert, journaliste et conseiller municipal d'opposition à Puteaux (Hauts-de-Seine), a précisément fondé le blog Monputeaux.com pour réagir à cette emprise de la communication. "Dans ma ville, l'information locale n'est quasiment plus produite par des journalistes et le maire est devenu le rédacteur en chef du principal journal local, observe-t-il. Quand Le Parisien embauchait un correspondant dans chaque ville, il n'emploie aujourd'hui que 3 journalistes pour couvrir l'ensemble du département...". Des situations contrastées Constat similaire pour Jacques Trentesaux, ancien rédacteur en chef à L'Express qui vient de lancer le site d'investigation locale Médiacités, d'abord à Lille puis dans d'autres villes de France. "Les collectivités locales sont de plus en plus puissantes et la presse de plus en plus faible, déplore-t-il. La ville de Lille compte pas moins de 8 journalistes, ce qui en fait la deuxième rédaction derrière celle de La Voix du Nord. Dans ce contexte, la presse locale fait du flou, en reprenant des communiqués de presse et en faisant du brand content ou du native advertising, car il faut bien qu'elle vive...". Jean-Baptiste Fontana, fondateur et rédacteur en chef de Fréquence Sud, qui se présente comme un média culturel local, constate que la situation varie fortement d'une collectivité à une autre : "certaines ont une vision très forte du pluralisme de la presse et nous fournissent des données brutes que nous travaillons nous-mêmes. Mais d'autres veulent créer leur propre média, avec des reportages, des interviews d'artistes ou des critiques culturelles qui empiètent directement sur notre travail de journaliste...". Communiquer autrement Du côté des communicants, Pierre Chapedelaine, membre de Cap Com et rédacteur en chef de l'agence d'information de la société du Grand Paris, reconnaît que les frontières entre information et communication s'estompent. Avec son agence, il souhaite produire du contenu (timelapse d'un chantier, cartographie de données...) utilisable par les collectivités locales comme la presse. A ses yeux, la presse institutionnelle se doit d'évoluer pour redonner du poids à la parole politique. "Ce n'est plus possible de produire un journal de propagande avec des photos du maire partout, assure-t-il. Mais il faut donner l'information la plus factuelle possible et donner la parole à ses contradicteurs. Evidemment que ces médias ne sont pas indépendants, mais il faut sortir du champ traditionnel de la communication pour tendre vers le partage d'information en réinterrogeant les jeux de données". Fondamentaux du journalisme Dans ce contexte, de plus en plus de médias locaux indépendants ont vu le jour sur la Toile ces dix dernières années, avec plus ou moins de difficultés à survivre : Rue89 Strasbourg, Marsactu, Essonne Infos, etc. "Ils sont petits mais ils existent et représentent l'avenir de la presse locale", veut croire Cécile Dubois, rédactrice en chef de 94 Citoyens. Pour le fondateur de Médiacités, "il est temps de renouer avec les fondamentaux du journalisme pour que chacun retrouve sa juste place. Laissons l'information de service aux collectivités, concentrons-nous sur l'enquête et allons au-devant des lecteurs".